Blaton : Stephen Laflamme brûlé à 75% raconte sa souffrance, il a aussi perdu sa fille alors âgée de 2 ans

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« L’homme possède une force étonnante dont peu de gens soupçonnent l’ampleur. Personne ne contrôle jamais son destin au cas où vous en douteriez. Cette évidence devrait nous contraindre au plus profond respect de la vie qui nous est offerte » voici quelques mots qui permettent à Stephen Laflamme de relever la tête. En février 2011, il a été la victime d’un accident dans un garage de Blaton. Brûlé à 75%, il a survécu, mais si la vie ne l’a pas épargné. Il a décidé de témoigner dans un livre : Itinéraire d’un grand brûlé par Stef 

« Ce jour-là, tout a basculé. J’ai vu mon corps calciné. Et toutes les promesses de bonheur et de vie se sont envolées en fumée », confie Stéphen Laflamme.

Pour tenir debout suite aux drames qui ont bouleversé sa vie, il a en effet décidé de coucher son histoire sur le papier. Une façon aussi de partager son expérience non seulement avec d’autres personnes souffrant de graves maladies, mais aussi tout un chacun.

Une leçon d’espoir et de courage pour attiser la force de vivre et éveiller la meilleure part de nous-mêmes.

Avant ce jour fatidique, le 19 février 2011, Stéphen, que l’on surnomme Stef, mène une existence trépidante rythmée par son travail d’enseignant et ses passions pour la musique et les voyages.

Déjà père de deux garçons, c’est lors d’un périple au Cameroun qu’il rencontre la nouvelle femme de sa vie, Rosa. Une petite fille naît de leur amour. »Au moment du drame, Virgilia avait seulement quelques mois. Elle se trouvait au Cameroun avec sa maman. On projetait de se marier là-bas, avant de relancer une demande de visa pour la Belgique », relate-il. Son mariage avec Rosa devait être célébré le 8 mars 2011. Mais l’incendie va tout chambouler.

Le 19 février, cet expert en mécanique se rend au garage moto de Raymond à Blaton, un ami, pour l’aider à régler un problème informatique. Il en profitera pour couper une barre métallique dans son atelier. Une barre d’un portail qu’il avait brisé la veille.

« Ce jour là. Je commence à disquer la barre, sans savoir que des produits inflammables se trouvent à proximité. Je m’applique sur ma pièce et je ne regarde pas autour de moi. A un moment, je fais une pause et je me rends compte qu’une espèce de marmite est en feu à trois mètres de moi », raconte Stef.

Les flammes lèchent déjà le plafond. Il jette alors la disqueuse et aperçoit un seau qu’il pense rempli d’eau. »Sans trop réfléchir, je l’attrape et je balance son contenu pour éteindre l’incendie. Mais je fais pire que mieux. Tout revient vers moi. »

Ni la marmite, ni le seau ne contiennent en effet ce qu’il imagine. La marmite est remplie de thinner et le seau contient sans doute des restants de vieilles peintures et de solvant.

« Je me transforme alors en torche humaine. Très vite, j’essaye de ressortir du bâtiment qui brûle mais, avec les fumées, l’air se raréfie et je suffoque. Je m’écroule donc face contre terre. Là, mon ami vient me rechercher au milieu des flammes. Il m’attrape par ce qui reste du col de ma chemise et me tire vers l’extérieur sur les graviers », poursuit-il.

A ce moment-là, allongé sur le sol, il regarde sa main droite et réalise la gravité de ses blessures. »Je n’éprouve pas de douleur physique car l’adrénaline est tellement forte. Mais je vois que mes doigts sont complètement décharnés. »

Pendant ce temps, les pompiers arrivent sur les lieux. Certains déroulent un tuyau d’eau pour asperger abondamment le corps calciné de Stef, en admiration devant ces hommes courageux qui s’aventurent dans un bâtiment en feu. L’incendie est rapidement maîtrisé.

« J’ai alors une sensation de froid qui m’envahit et je commence à trembler comme une feuille. » Les services de secours le mettent ensuite sur une civière pour le transporter en ambulance à l’hôpital.

« Jusqu’à ce moment-là, je reste conscient tout le temps. Je me souviens du moindre détail. Chaque seconde, chaque instant, chaque parole, tout ça est gravé dans ma mémoire. J’ai l’impression d’être dépouillé de mon corps », assure le père de famille.

Après ces souvenirs bien ancrés de l’incendie, c’est le trou noir. Etant donné la gravité de son état, Stef est emmené au centre des grands brûlés de l’hôpital militaire de Neder-Over-Hembeek, où il est plongé dans le coma artificiel pendant cinq mois.

Dans un premier temps, les médecins tentent de le maintenir en vie, notamment grâce à une sorte de pansement biologique qui assure une protection temporaire contre l’environnement.

« En attendant de faire des greffes définitives, ils doivent mettre de la peau de cadavre parce qu’il n’y a rien qui peut coller sur des plaies de brûlures. Ce qui permet d’empêcher un maximum les microbes de passer », indique Stef.

« Initialement, le patient grièvement brûlé se déshydrate fortement ce qui doit être compensé, par de grandes quantités de liquides intraveineux. Des greffes provisoires sont rapidements mises en place. On appelle ça des homogreffes. C’est de la peau de donneurs volontaires décédés et conservée à basse température. Même si elle ne remplit pas le rôle de greffe définitive, elle permet provisoirement de jouer plusieurs fonctions, notamment de réduire les pertes d’eau, ainsi que de stimuler la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Cette barrière physique permet également de réduire le risque d’infection. Tout cela permet d’améliorer les chances de succès de la greffe définitive dans un deuxième temps. »

« Même si je suis placé en quarantaine, il y a toujours des microbes qui passent. Donc, je n’y échappe pas et suis victime de plusieurs infections », relate Stef.

« C’est inévitable chez un patient grièvement brûlé. Nous portons tous des microbes sur la peau, ce qu’on appelle flore cutanée. Chez des êtres humains en bonne santé, cela ne pose pas de souci. Mais chez les patients brûlés, ces germes ne se contentent pas de rester à la surface des brûlures. Ils peuvent pénétrer dans le corps par des vaisseaux présents dans les plaies et provoquer des infections parfois graves. Le pronostic vital peut être engagé dans certains cas », assure l’intensiviste. »

Pour la famille de Stef, les bonnes nouvelles alternent donc avec les mauvaises. Va-t-il un jour rouvrir les yeux ? L’attente est intenable et angoissante.

Assez pessimistes au départ, les médecins ne veulent pas nourrir de faux espoirs. »Ils attendent donc quatre mois avant d’annoncer que mes chances de survie sont bien réelles. »

Malgré les nombreuses opérations, Stef fait en effet preuve d’une ténacité qui étonne et émerveille aussi bien ses proches que le staff médical.

Et quelques semaines plus tard, le réveil tant espéré se produit. Stef sort du coma, mais il commence à délirer. Il a l’impression d’avoir réellement vécu certaines choses pendant ce laps de temps passé inanimé sur son lit d’hôpital.

Pour lui, il est dès lors très difficile de faire la part des choses et différencier le vrai du faux. »Je suis par exemple certain de ne pas être à Bruxelles mais au bord de la Méditerranée. Pour me le prouver, les infirmières sont donc obligées de me traîner jusqu’à la fenêtre pour me montrer l’Atomium », se souvient-il.

« Un autre de mes grands délires, c’est que je suis sûr que je ne suis pas à l’hôpital parce que j’ai été brûlé. Je pense qu’on a voulu me tuer, m’assassiner », ajoute-t-il.

Pendant les mois qui suivent, Stef subit de nouvelles opérations de greffes et est victime d’une nouvelle infection très grave. En un an d’hospitalisation, il passe 36 fois au bloc opératoire. Mais le résultat est époustouflant.

« La première fois que je me suis vu dans un miroir, j’étais choqué parce que j’étais boursouflé un peu partout. Mais j’ai une chance énorme car les médecins ont réussi à récupérer presque tout mon visage. Ils n’ont pas fait de greffes, mais ils l’ont soigné pendant un an. Pour le regard des autres, c’est absolument génial parce que j’ai moins l’air d’être un monstre, en tout cas quand je suis habillé. Vu de l’extérieur, si on ne regarde pas mes mains, à la rigueur on ne pourrait même pas dire que je suis un grand brûlé », se réjouit-il.

Ses progrès au niveau physique sont rapides et encourageants, même si la rééducation est éprouvante. Il doit tout réapprendre comme un bébé. »Avec l’aide de kinés, il a par exemple fallu deux semaines pour que je puisse juste tenir debout. Au départ, chaque effort paraît surhumain et impossible. Mais au fil du temps, ça évolue et plus on fait d’effort, mieux ça va », soutient cet homme animé par un courage impressionnant.

« Ce qui m’a sauvé, c’est d’être tombé sur un hôpital au top niveau de la technologie avec un service absolument génial et la force de caractère. Sans cela, je ne serais plus là. » Durant ce long parcours du combattant, Stef a également pu compter sur le soutien moral et financier de sa famille et de ses amis.

L’un de ses proches a notamment fait le nécessaire pour que Rosa et Virgilia puissent être à son chevet à Bruxelles. »Ce qui m’a permis de persévérer, c’est d’être bien entouré et surtout ma petite fille. Quand je me suis réveillé et que j’ai su qu’elle était là, c’est à ce moment que tout s’est déclenché. Elle m’a donné la force de me battre », révèle le papa.

Peu de temps après sa sortie d’hôpital, au mois de mai 2012, il s’unit à celle qui fait battre son cœur. »Ma femme a quand même voulu se marier, même si je lui ai dit qu’elle allait épouser un handicapé », raconte Stef.

Mais ce bonheur est de courte durée. Trois semaines après la célébration, un drame se joue à leur domicile. Virgilia se noie dans la piscine familiale. »C’est un nouveau choc qui est beaucoup plus dur à supporter. C’est elle qui m’avait fait tenir le coup, et puis on me l’a enlevée. Elle avait 16 mois », relate il avec une pointe d’émotion dans la voix.

La fillette ne décède pas sur le coup. Elle passe trois mois à l’hôpital avant le dénouement fatal. Ses parents sont dévastés. »Après un tel drame, il n’y a plus rien qui compte. Ma femme et moi, nous sommes toujours ensemble. Mais je pense que nous avons enterré notre amour avec elle », ajoute-il.

La vie leur sourit malgré tout deux ans après cette mort tragique. »On a eu une chance énorme. Alors que mes parties génitales sont brûlées, on a pu avoir un petit garçon. Il est né en novembre 2013. C’est ce qui nous permet de nous raccrocher à la vie parce qu’après tout ça, on perd la notion de tout. On se demande ce qu’on a fait pour mériter tout ça. »

Aujourd’hui, Stef reste marqué par ces événements dramatiques, qui laissent des séquelles physiques et morales.

« Je ne pourrai plus jamais courir comme avant. Le problème des brûlures au troisième degré, c’est que ça attaque la peau bien sûr, mais aussi les tendons, le système musculaire et le système lymphatique. Là où il y a les nœuds, les reliures des greffes, ça craque souvent et ça saigne. Je ne peux pas aller quelque part sans prendre mon lot de pansements et d’antidouleurs. Ma compagne la plus proche, ce n’est plus ma femme, mes amis, la guitare, c’est la souffrance », confie-t-il.

C’est d’ailleurs en partie pour partager cette souffrance avec les personnes atteintes de maladies graves que Stef a décidé d’écrire son livre. Grâce à sa propre expérience, il peut ainsi donner des conseils aux victimes et à leurs proches.

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