Agent en danger : la démission d’un administratif de l’école supérieur de La Cambre à Ixelles suspendue pour non-respect du délai raisonnable

Le Conseil d’État a suspendu l’exécution de la démission disciplinaire infligée à un agent administratif de l’École supérieure des Arts visuels de La Cambre. La juridiction a estimé que la procédure disciplinaire avait été menée avec un retard injustifié, en violation du principe du délai raisonnable.
Des faits graves dénoncés par plusieurs étudiantes
Les faits reprochés à l’agent S.B. ont été portés à la connaissance du directeur de l’établissement fin juin 2021 par trois étudiantes, qui ont demandé à conserver l’anonymat. Elles ont dénoncé un comportement jugé inapproprié et intrusif, notamment :
- Proximité physique inadéquate, avec des tentatives d’embrasser les femmes lors des salutations ;
- Comportement tactile déplacé, incluant le contact avec des zones intimes ;
- Tentatives d’entretenir des relations proches ou intimes avec des étudiantes ;
- Remarques désobligeantes sur le physique de certaines d’entre elles ;
- Relations amoureuses entretenues avec plusieurs étudiantes ;
- Propos inconvenants et privés tenus devant des collègues et élèves, tels que :
- Références à son goût pour la pornographie ;
- Discussions insistantes sur sa vie privée ;
- Tentatives de discréditer sa hiérarchie.
Ces éléments ont été jugés préjudiciables à l’intégrité, à la sécurité et à la confiance des membres de l’établissement.
Une procédure entachée de lenteurs et d’erreurs
Malgré la gravité des faits, la procédure disciplinaire n’a été formellement engagée que le 28 avril 2022, soit plus de neuf mois après les premières auditions. La chronologie révèle de nombreuses irrégularités :
- Une première proposition de suspension disciplinaire est faite en juin 2022, puis retirée sans justification en octobre ;
- Une nouvelle proposition de démission disciplinaire est formulée le 20 octobre 2022 ;
- Le dossier reste pendant dix mois devant la chambre de recours, en raison d’une mauvaise compréhension des voies de recours ;
- La sanction définitive n’est prononcée que le 16 octobre 2024, soit plus de trois ans après les faits initiaux.
La chambre de recours a estimé que le pouvoir organisateur avait perdu le droit de sanctionner, en raison du non-respect du délai raisonnable.
Le Conseil d’État confirme la gravité du retard
Le Conseil d’État a jugé que :
- Le délai de seize mois entre la connaissance des faits et la première proposition de sanction était anormalement long ;
- Le retard de sept mois après l’arrêt de suspension du 26 mars 2024 n’était pas justifié ;
- La procédure n’a pas été menée avec la diligence requise, surtout compte tenu de la gravité de la sanction envisagée.
La juridiction a donc ordonné la suspension de la démission disciplinaire, estimant que le non-respect du délai raisonnable constituait prima facie une violation du droit.
Cette décision rappelle que même en cas de faits graves, les autorités disciplinaires doivent respecter les délais et les procédures prévues par la loi. Une sanction lourde ne peut être prononcée après des années de tergiversations.
Sources :
https://www.raadvst-consetat.be/arr.php?nr=259270
https://www.raadvst-consetat.be/arr.php?nr=262541