Leuze-en-Hainaut : le bourgmestre Cornillie a déjà de solides raisons d’expulser les gens du voyage – explications

Un groupe de gens du voyage s’est installé sans autorisation sur un terrain du zoning de l’Europe à Leuze-en-Hainaut. Le bourgmestre Hervé Cornillie a réagi sur No Télé, dénonçant un branchement illégal à une cabine ORES et affirmant qu’une semaine suffisait pour « rebondir ». Il prépare un arrêté d’expulsion. A-t-il le droit de les faire partir ? Voici ce que dit la loi.
Il y a lieu d’opérer une distinction en fonction que la commune dispose ou non d’un terrain d’accueil. En effet, en cas de terrain aménagé pour l’accueil, l’accès a ce terrain sera permis moyennant la conclusion d’une convention. A l’inverse, en cas d’occupation illicite, certaines obligations pèsent sur les autorités communales.
1. Une expulsion ne peut être décidée que sous certaines conditions
Le bourgmestre peut prendre un arrêté de police pour ordonner le départ des gens du voyage uniquement en cas de trouble à l’ordre public. Ce trouble peut être :
- une entrave à la circulation ou à l’accès à des lieux publics,
- des nuisances sonores ou des dépôts de déchets,
- des tensions avec la population locale.
L’arrêté doit être motivé en fait et en droit, et respecter une procédure :
- Constatation du trouble par les services communaux ou la police ;
- Tentative de concertation avec les personnes concernées (sauf urgence) ;
- Fixation d’un délai raisonnable pour quitter les lieux.
À Leuze-en-Hainaut, le bourgmestre a depuis le départ une bonne raison pour procéder à l’expulsion. Dès le lendemain de l’installation des caravanes dans le zoning, le bourgmestre a signalé que les gens du voyage s’étaient branchés illégalement à une cabine électrique appartenant à ORES. Ce type de raccordement constitue non seulement une infraction pénale (vol d’électricité), mais aussi un risque pour la sécurité publique (incendie, électrocution). Le bourgmestre s’inquiète d’ailleurs en se demandant, lors de son interview avec la télévision, qui payera la consommation. Surement la collectivité !
Dans ce contexte, un tel acte peut être considéré comme un trouble à l’ordre public, ce qui autorise le bourgmestre à prendre un arrêté de police pour ordonner l’expulsion du groupe concerné. Ce type de situation renforce l’importance d’un encadrement clair et d’un dialogue entre les autorités locales et les représentants des gens du voyage.
2. Le type de terrain influence la procédure
Terrain privé sans accord du propriétaire
- Le bourgmestre ne peut pas intervenir directement.
- C’est au propriétaire d’introduire une action en justice.
- La police n’intervient qu’après décision judiciaire.
Terrain privé avec accord du propriétaire
- Le bourgmestre ne peut intervenir qu’en cas de trouble à l’ordre public.
Terrain public (communal)
- Si la commune accepte le séjour, elle peut fixer les conditions (durée, gestion des déchets, etc.).
- Si elle refuse, elle peut ordonner l’expulsion en respectant les garanties légales.
Voie publique
- Le Code de la route interdit le stationnement de caravanes plus de 24h sur la voie publique.
- La police peut faire déplacer les véhicules aux frais des occupants.
Peu importe où se situent les gens du voyage (terrain d’accueil, terrain privé, public avec l’accord), les autorités communales disposent toujours d’une marge d’intervention. En effet, le Bourgmestre peut, par arrêté de police, ordonner le départ des gens du voyage dans un délai déterminé, sur base des articles 133, alinéa 2 et 135, §2 de la nouvelle loi communale.
L’arrêté précisera en outre, qu’à défaut pour eux d’obtempérer, « ils seront expulsés, au besoin par la force. »
Cette mesure peut être adoptée à n’importe quel endroit où les gens du voyage sont installés (terrain tant public que privé nonobstant l’accord du propriétaire) à l’unique condition qu’un trouble public se manifeste.
3. Le droit au relogement : une obligation morale, parfois juridique
Même si aucune loi n’oblige les communes à disposer d’un terrain d’accueil, la jurisprudence belge et les textes européens insistent sur la nécessité de proposer un relogement décent et adapté en cas d’expulsion, surtout si les personnes concernées sont vulnérables.
Situation | Intervention possible ? | Conditions |
---|---|---|
Terrain privé sans accord | ❌ Non (sauf décision judiciaire) – ✅ Oui (si trouble à l’ordre public) | Action du propriétaire |
Terrain privé avec accord | ✅ Oui (si trouble à l’ordre public) | Arrêté de police motivé |
Terrain public | ✅ Oui | Accord ou refus de la commune |
Voie publique | ✅ Oui | Max. 24h de stationnement autorisé |
La Région wallonne et les terrains d’accueil : une volonté freinée
Depuis 2001, la Région wallonne encourage la création de terrains d’accueil pour les gens du voyage, notamment via des subventions aux communes et CPAS. Un guide de bonnes pratiques a été diffusé en 2015, et des projets de décret ont été évoqués pour obliger les provinces à aménager au moins deux aires d’accueil.
Cependant, les réticences sont nombreuses :
- Inquiétudes des riverains sur les nuisances ou la sécurité ;
- Manque de moyens dans certaines communes ;
- Absence de consensus politique sur l’aménagement de ces terrains.
Ces obstacles freinent la mise en œuvre d’une politique cohérente et respectueuse des droits des gens du voyage.
Le rôle du Centre européen des droits des Roms
Le Centre européen des droits des Roms (CEDR) joue un rôle essentiel dans la défense des droits des gens du voyage. Il a porté plusieurs affaires devant la Charte sociale européenne, notamment pour dénoncer des expulsions sans relogement ou des violations du droit à un mode de vie nomade. Ce centre milite pour que les États respectent les spécificités culturelles de cette communauté et garantissent un traitement équitable.
Un bourgmestre ne peut pas expulser arbitrairement les gens du voyage. Il doit respecter un cadre légal strict, fondé sur le respect des droits fondamentaux et la proportionnalité des mesures. La concertation, la dignité et la recherche de solutions alternatives doivent toujours être privilégiées. Le respect du mode de vie nomade et la mise à disposition de terrains adaptés restent des enjeux majeurs pour une cohabitation harmonieuse.
