Agent en danger : le chef de corps de la zone de police Meuse-Hesbaye réhabilité

Le Conseil d’État a annulé l’évaluation « insuffisante » du chef de corps de la zone de police Meuse-Hesbaye et constaté l’illégalité de l’arrêté royal mettant fin à son mandat. L’État belge a retiré l’acte, ouvrant la voie à une indemnisation. Retour sur une affaire marquée par des tensions internes et une rupture de confiance.
Une évaluation contestée
Le 5 juillet 2021, la commission d’évaluation de la zone Meuse-Hesbaye attribue la mention « insuffisant » à son chef de corps, sur fond de tensions internes et de critiques sur son style de management. Cette évaluation entraîne, par arrêté royal du 28 février 2022, la fin anticipée de son mandat.
Le chef de corps conteste cette décision devant le Conseil d’État, dénonçant une évaluation biaisée, fondée sur des ressentis non objectivés, notamment issus d’un rapport de la société CRI-PTOS sur les risques psychosociaux.
Éléments principaux ayant conduit à la mention « insuffisant »
1. Style de management jugé problématique
- Centralisation excessive des décisions.
- Manque de délégation claire, parfois confiée à plusieurs personnes ou immédiatement contrôlée.
- Démobilisation du comité de direction, perçue comme peu consulté et peu impliqué.
- Isolement progressif du chef de corps vis-à-vis du personnel et des autorités.
2. Tensions internes et rupture de confiance
- Une pétition du 10 avril 2020, signée par 38 membres du service intervention, a révélé un malaise profond.
- Le rapport de la société CRI-PTOS, mandatée pour analyser les risques psychosociaux, a confirmé l’existence de tensions et de ressentis négatifs.
- Le chef de corps n’aurait pas perçu l’ampleur du malaise, ni informé suffisamment le collège de police.
3. Attitudes et comportements jugés inadéquats
- Propos maladroits rapportés par des agents (sur les femmes, les diplômes, etc.).
- Menaces de représailles et propos inquiétants (« si je me suicide, je ne me suiciderai pas tout seul »).
- Démission impulsive en juin 2020, retirée deux mois plus tard, jugée perturbatrice.
- Communication jugée déloyale envers le collège de police.
4. Critères du profil de fonction non remplis
- Sur les 51 critères du profil de fonction, 16 ont été jugés insuffisants.
- Cela inclut des aptitudes comme la négociation, la gestion du stress, la capacité à motiver les collaborateurs, la collaboration avec les autorités politiques, etc.
Le chef de corps se défend
- Il estime avoir satisfait à 23 critères sur 35, partiellement à 9 autres, et insuffisamment à seulement 3.
- Il dénonce une erreur manifeste d’appréciation, une absence de motivation formelle, et une lecture biaisée du rapport CRI-PTOS.
- Il conteste que des ressentis non objectivés puissent fonder une évaluation aussi lourde de conséquences.
- Il souligne que le coaching proposé par CRI-PTOS aurait permis un retour en fonction.
Conclusion du Conseil d’État
L’annulation est fondée sur le quatrième moyen : violation du devoir de minutie et de la motivation formelle.
Le Conseil d’État reconnaît que l’évaluation est cohérente dans son ensemble, mais annule l’acte car l’un des motifs ayant conduit à la mention « insuffisant » repose sur des faits non avérés. En particulier, le reproche de ne pas avoir informé le collège de police sur des tensions internes est jugé infondé, car le chef de corps était en quarantaine au moment des faits et avait réagi rapidement à son retour.
Le Conseil d’État souligne que, même si d’autres critiques sont fondées, aucune ne peut être considérée comme surabondante, et donc toutes ont contribué à la décision finale. L’acte est donc annulé.
L’arrêté royal est retiré
Le Conseil d’État constate également que l’arrêté royal du 28 février 2022, mettant fin au mandat du chef de corps, a été retiré par l’État belge le 12 décembre 2024, après l’annulation de l’évaluation qui en constituait le fondement.
Le recours en annulation est donc rejeté, car l’acte attaqué n’existe plus. Toutefois, le Conseil d’État rouvre les débats sur la demande d’indemnité réparatrice introduite par le requérant, qui estime avoir subi un préjudice du fait de cette éviction.
Dépersonnalisation
Dans les deux arrêts, le Conseil d’État accorde la dépersonnalisation à la partie requérante, dont l’identité ne sera pas publiée.
Source :
https://www.raadvst-consetat.be/arr.php?nr=260776
https://www.raadvst-consetat.be/arr.php?nr=262245